vendredi 21 mars 2008

Royal Charlemagne Palestine


















De retour de la Cité de la Musique, pluie fine et glacée dans le cou, longer l'avenue Jean Jaurès, éviter les flaques et revenir au silence. Tenter de revivre ce moment passé avec Charlemagne Palestine (cycle "Orgue : de la lithurgie à l'électro"), deux jours après le concert de Pierre Henry. Au début, je n'y croyais franchement pas. Palestine déboule sur scène comme sur le quai d'une gare, traînant sa valise rouge vif et trinquant à l'adresse du public (verre de cognac, semble-t'il : cet homme sait boire, ce qui n'est pas donné à tout le monde). Il extraie tout un fatras composé de peluches home made et de foulards bariolés, prend tout son temps pour s'installer, demande aux nombreux tousseurs de la jouer mezzo vocce, bref plutôt débonnaire, pour un héros de la musique électro-acoustique, accueilli comme tel par la salle...

Dans une pénombre orangée, rougeoyante, Palestine entreprend de brancher (on dit plugger ?) ses quatre synthétiseurs, caresse du regard l'immense orgue placé au fond de la scène mais ne s'y attarde pas longtemps, plutôt préoccupé par ses peluches et son verre de cognac, posé précautionneusement sur le rebord du synthé face public. Des sons très drones (continus, quoi) s'élèvent puis s'entrelacent, Palestine s'essayant à jouer du verre (résultat improbable) puis il commence à chanter, d'une voix travaillée par à peu près tout, j'imagine. Puis le maître se dirige ensuite - léger titubement - vers l'orgue, s'installe, j'aperçois la caméra de Valérie (qui tourne un sujet pour Tracks), et "Schlingen Blänger" peut réellement démarrer.

J'avais oublié la puissance de développement d'un orgue, machine assez inouïe quand on y songe, aux accents intrinsèquement sacrés et qui plonge directement dans un voyage intérieur, dans une espèce d'au-delà de la musique. Voilà ce que je me suis dit au bout de 20 minutes, lorsque Palestine nous plonge au coeur de l'instrument, ménageant des pleins et des déliés, sourds puis gracieux, avec une maîtrise bien éloignée de sa bonhommie de départ. (Ah oui, au fait, j'ai omis de noter qu'il était habillé comme feu Carlos, chemise à fleurs, ou comme Hemingway, feutre mou). Donc montée en puissance, l'intensité augmente, je me plonge dans ces nappes d'orgues enrobées de vagues de claviers en mode automatique, elles aussi lancinantes. Palestine, de dos mais dont le visage s'entraperçoit grâce à un miroir disposé en face de lui, est traversé de spasmes, il est dans sa musique, s'agrippant aux leviers (on dit clés ?) de l'orgue comme il désignerait le ciel, tout en dévidant ses mélopées vocales parfois phonétiques et syncopées.

Perte de sensation du temps, la pièce dure une heure mais aurait pu/du se prolonger longtemps, infiniment. Fin abrupte, Palestine retombant sur ses pieds tel un vieux chat en lâchant brusquement l'orgue, qui continue (un orgue peut ne jamais s'arrêter !) un ton en dessous, pas vaincue la bête, puis il baisse doucement l'intensité de chacun des synthétiseurs et c'est la fin, douce et modulée, comme un dernier soupir. Rideau. Les habitués montent sur scène, boivent à la santé de leur héros euphorique, je frôle une troublante japonaise visiblement très émue, échange quelques mots avec Jos, et puis je tombe sur Thomas aka La Boîte Blanche, qui a enregistré le concert pour Radio WNE et que je retrouverai certainement demain aux Voûtes pour le festival While My Guitar Violentlty Bleeds.
Mon camarade Jean-Philippe Renoult a rencontré Charlemagne Palestine pour poptronics.fr, c'est par ici.

Aucun commentaire: